[Linux-bruxelles] Re: application graphique PPP(oE)

Hervé Eychenne rv at eychenne.org
Ven 14 Jan 03:20:30 CET 2005


On Thu, Jan 13, 2005 at 07:12:47PM +0100, Hervé Eychenne wrote:

> > La "communication", la publicité dit l'informatique c'est graphique sans
> > indiquer que le prix c'est une interface approximative et une perte 
> > d'information, de connaissances et de performances.

J'ai oublié de dire que la plupart du temps également, les gens ne
_veulent pas_ d'informations. Déjà, ils veulent que ça fasse ce qu'ils
souhaitent avec le minimum d'efforts possible (c'est humain), mais
surtout, l'information parfois leur fait peur. J'ai des tas d'exemples
à fournir...

Combien de fois j'ai entendu dire des gens voyant un Linux (à la mode
Debian) booter en disant : "mon Dieu, que de texte... mais comment
donc avez-vous le temps de tout lire ?" Je leur réponds généralement
que ce ne sont pas des messages importants tant que tout se passe bien.
L'utilisateur moyen n'a que faire de la cuisine, et des messages qui
indique que "cela fonctionne". De temps à autre, au boot, une
distribution générique va afficher quelques erreurs (modules
indisponibles, déjà chargés, service désactivé ou insuffisamment
configuré, etc). Ces erreurs sont évidemment bénignes dans une grande
majorité de cas, mais elles perturbent beaucoup l'utilisateur moyen.
"Ah, zut, il y a quelque chose qui ne marche pas. Mince... je fais
quoi ?". Rien, ce ne sont pas des erreurs graves. Mais il n'a pas
forcément les moyens de le savoir, et il est déstabilisé.

Car les gens ont peur de ce qui semble ne pas se passer parfaitement,
et ils ont peur de l'imprévu, de l'inhabituel. Combien de fois ai-je
surpris des gens complètement démunis devant l'apparition d'un simple
pop-up mozilla (indiquant par exemple que l'on va passer de https à
http, et que le transfert ne sera donc plus "sécurisé"). La plupart du
temps, la personne ne va même pas savoir ce qu'est http, encore
moins https, et va juste retenir l'idée qu'il n'est plus en sécurité.
Même si cela paraît un peu ridicule pour nous de présenter les choses
comme ça, c'est pourtant une réalité.

Pire, pour tout autre type de pop-up applicatif à caractère
informatif, on se rend compte d'une chose : les gens ne veulent pas,
ou ne savent pas lire. Leur premier sentiment à l'apparition de ce
pop-up, avant même de l'avoir lu, c'est "mince, qu'est-ce qui se
passe encore ? Je n'ai pourtant pas fait d'erreur, non ? Ah moins
que... si ?".
S'il on considère qu'il se sent largué au milieu d'un environnement
complexe qui le dépasse un peu (parce qu'il est loin d'en maîtriser
parfaitement tous les concepts, et que ceux-ci sont effectivement
parfois un peu complexes), ce sentiment est naturel. Un sentiment
d'insécurité naît du fait que l'on ne croie pas avoir de maîtrise sur
les choses, que l'on ne sait pas trop où on va. Voilà pour
l'application à l'informatique de ce sentiment humain tellement
universel...
Mais revenons à notre pop-up. La plupart du temps, il présente un
message bien détaillé, avec un choix de type "Ok" ou "Cancel". Eh
bien, rien que pour amener l'utilisateur à _lire_ (= lire et
comprendre) le message avant de cliquer sur Ok, ce n'est pas évident,
croyez-moi. L'utilisateur est déstabilisé par l'apparition du message,
il a déjà perdu ses maigres repères.

Courte digression :
 Il faut avoir fait une prépa aux grandes écoles scientifiques
 française pour savoir à quel point, étant convoqué au tableau pour
 résoudre un exercice, le stress et la tentative de
 déstabilisation du professeur (c'est souvent comme ça que ça marche,
 c'est une méthode comme une autre pour tester la résistance morale de
 l'élève, je suppose... et c'est même culturel) peut vous faire raconter
 comme imbécilités (que vous reconnaîtriez instantanément comme telles
 si vous aviez eu la chance de pouvoir rester au fond de la salle de
 classe).

Moralité : un être humain stressé (au sens large) perd une partie de
sa capacité de raisonnement. Le message du pop-up, même simple, va lui
sembler difficile à comprendre, car il est inattendu. Eh oui, aussi
bizarre que ça puisse paraître.

Ensuite, l'habitude. L'utilisateur est habitué à cliquer machinalement
sur Ok. Pourquoi ? Parce qu'il pense que l'ordinateur va toujours lui
proposer le bon choix par défaut (Ok, le plus souvent), et que ça devrait
donc lui permettre de continuer. C'est d'ailleurs généralement vrai, mais
il y a des exceptions, et on ne peut pas dire que ça développe son
sens critique...

Tout cela ne veut dire qu'une chose : les utilisateurs moyens
veulent que ça marche, rapidement, facilement, et sans surprises.
Et ils trouvent les choses déjà suffisament complexes comme ça pour
qu'on les titille en plus avec des messages qu'ils sont loin de
toujours comprendre, et dont ils n'ont le plus souvent que faire.

Personnellement, ça me chagrine au plus haut point parce que ça pousse
les entreprises technologiques à niveller par le bas, me privant du même
coup de tout un tas de fonctionnalités plus riches, et pérénisant un
certain obscurantisme technologique dont bon nombre d'entreprises
abusent.
Malgré tout, je n'ose pas trop juger les utilisateurs.
Enfin, ça me pousse, en tant que développeur, à développer mes programmes
en gardant à l'esprit qu'ils _peuvent_ être complexes pour ceux qui
peuvent en tirer tout le parti, mais _doivent_ être aussi simples que
possible pour ceux qui ne le peuvent/veulent pas.

 Hervé

-- 
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