[Linux-bruxelles] Concernant le changement de cap du MR, une réponse tjs valable...

Alexandre Dulaunoy alexandre.dulaunoy at ael.be
Sam 5 Avr 16:20:28 CEST 2003


Lima, le 8 avril 2002. 

Monsieur JUAN ALBERTO GONZÁLEZ
Directeur Général de Microsoft Pérou

Cher Monsieur. 

Avant toute  chose, je vous remercie  de votre lettre du  25 mars 2002
dans  laquelle  vous  exprimez  la position  officielle  de  Microsoft
concernant   le  Projet   de  Loi   Nº  1609,   Logiciel   Libre  dans
l'Administration Publique,  qui est inspirée  sans aucun doute  par le
désir d'aider le  Pérou à réussir à trouver sa  place dans le contexte
technologique  global. Animé  du  même esprit  et  convaincu que  nous
trouverons les  meilleures solutions par l'échange  d'idées claires et
ouvertes, je me permets de répondre, par la présente, aux commentaires
contenus dans votre lettre. 

Je reconnais que  des opinions comme les vôtres  constituent un apport
significatif,  mais elles  m'eussent été  plus utiles  si, en  plus de
formuler des  objections à caractère général (que  nous analyserons en
détail plus loin)  vous aviez rassemblé des arguments  solides sur les
avantages que le logiciel propriétaire peut apporter à l'État péruvien
et à ses citoyens en général,  car cela aurait pu permettre un échange
plus clair dans le respect des positions de chacun. 

Dans le but  de clarifier le débat, nous conviendrons  que ce que vous
appelez "logiciel à  code source ouvert" est ce  que le Projet définit
comme "logiciel libre", sachant qu'il  existe du logiciel dont le code
source est distribué  avec les programmes, mais qui  n'est pas couvert
par la définition établie dans le  Projet ; et que ce que vous appelez
"logiciel   commercial"   est  ce   que   le   Projet  définit   comme
"propriétaire" ou "non libre",  sachant qu'il existe du logiciel libre
commercialisé  sur le marché  avec un  prix comme  tout autre  bien ou
service. 

De même il est important  de préciser que la proposition contenue dans
le Projet auquel nous nous  référons n'est pas directement en relation
avec  l'économie  directe  qui  peut  être réalisée  par  l'emploi  de
logiciel libre dans les institutions de l'État. Ceci est dans tous les
cas, une  valeur ajoutée marginale, mais en  aucune manière l'objectif
final du  Projet. Les principes  élémentaires qui inspirent  le Projet
sont liés aux garanties fondamentales d'un État démocratique de droit,
telles que :

    * Libre accès du citoyen à l'information publique ;

    * Pérennité des données publiques ;

    * Sécurité de l'État et des citoyens. 

Pour garantir le libre accès des citoyens à l'information publique, il
est  indispensable que l'encodage  des données  ne soit  pas lié  à un
fournisseur  unique.  L'utilisation de  formats  standards et  ouverts
permet de  garantir ce  libre accès, et  d'obtenir, si  nécessaire, la
création de logiciel libre compatible. 

Pour garantir la pérennité des données publiques, il est indispensable
que l'utilisation  et le maintien du  logiciel ne dépendent  pas de la
bonne volonté des fournisseurs, ni des conditions de monopole imposées
par ceux-ci.  Pour cela l'État  a besoin de systèmes  dont l'évolution
puisse être garantie par la disponibilité du code source. 

Pour  garantir la  sécurité de  l'État ou  sécurité nationale,  il est
indispensable de se baser sur des systèmes dépourvus d'éléments qui en
permettent  le contrôle  à  distance ou  la  transmission non  désirée
d'information à des  tiers. Par conséquent, il faut  des systèmes dont
le code source  est librement accessible au public  pour permettre son
examen par l'État lui-même, les citoyens, et un grand nombre d'experts
indépendants  dans le  monde.  Notre proposition  apporte  un plus  de
sécurité,  puisque la connaissance  du code  source élimine  le nombre
croissant de programmes contenant potentiellement du *code espion*. 

De  cette  façon,  notre  proposition  renforce  la  sécurité  de  nos
citoyens, à la fois en  tant que détenteurs légitimes de l'information
gérée par l'État,  et en tant que consommateurs.  Dans ce dernier cas,
c'est en permettant l'apparition d'une offre étendue de logiciel libre
dépourvu de potentiel *code espion*  susceptible de mettre en péril la
vie privée et les libertés individuelles. 

En ce sens,  le projet de loi se limite à  établir les conditions dans
lesquelles  les organismes de  l'État acquerront  du logiciel  dans le
futur, à savoir, de façon compatible avec la garantie de ces principes
fondamentaux. 

A la lecture du projet  il apparaîtra clairement qu'une fois approuvée
:

    * la loi n'interdit pas la production de logiciel propriétaire ;

    * la loi n'interdit pas le commerce de logiciel propriétaire ;

    * la loi ne dicte pas quel logiciel utiliser concrètement ;

    * la loi ne dicte pas chez quel fournisseur acheter le logiciel ;

    * la loi  ne limite  pas les  termes de la  licence qui  couvre un
      produit logiciel. 

Ce que  le projet exprime  clairement c'est que, pour  être acceptable
par  l'État, il  ne  suffit  pas que  le  logiciel soit  techniquement
suffisant pour  mener à bien une tâche,  mais il faut en  plus que ses
conditions  contractuelles  satisfassent une  série  de pré-requis  en
matière de  licence, sans  lesquelles l'État ne  peut pas  garantir au
citoyen  le  traitement  adéquat   de  ses  données,  veiller  à  leur
intégrité,  leur confidentialité  et  leur accessibilité  au cours  du
temps, car ce sont des aspects critiques de son usage normal. 

Nous sommes d'accord, Mr. González,  sur le fait que la technologie de
l'information et  des communications a  un impact significatif  sur la
qualité de vie des citoyens (sans que pour eux, l'impact soit toujours
positif ou neutre d'effet).  De même nous serons certainement d'accord
pour dire  que les valeurs de  base que j'ai signalées  plus haut sont
fondamentales  dans une  nation  démocratique comme  le Pérou.  Depuis
longtemps nous  cherchons une  alternative permettant de  garantir ces
principes, qui ne consiste pas à recourir à l'emploi de logiciel libre
dans les termes définis dans le projet de Loi. 

Quant aux  observations que vous formulez, nous  allons maintenant les
examiner dans le détail :

En  premier  lieu,   vous  signalez  que  :  "1.   Le  projet  établit
l'obligation  pour tout organisme  public d'employer  exclusivement du
logiciel libre, c'est-à-dire à  code source ouvert, ce qui transgresse
les principes de l'égalité devant la loi, de non-discrimination et les
droits  à la  libre initiative  privée, liberté  d'entreprendre  et de
contrat, protégés par la constitution.". 

Cette appréciation est une erreur. En aucune façon le projet n'affecte
les droits que  vous énumérez : il se limite  à établir les conditions
pour l'emploi  de logiciel  au sein des  institutions de  l'État, sans
s'immiscer   d'aucune  manière  dans   les  transactions   du  secteur
privé.  C'est un principe  bien établi  que l'État  n'a pas  la grande
liberté  de contrat  du  secteur privé,  précisément  parce qu'il  est
limité  dans ses  actions  par  le devoir  de  transparence des  actes
publics  ; et en  ce sens,  la préservation  de l'intérêt  commun doit
prévaloir lorsqu'il légifère en la matière. 

Le projet protège l'égalité devant la Loi, et aucune personne physique
ou morale n'est  exclue du droit d'offrir ces biens  à l'État dans les
conditions  fixées dans  le projet  et  sans plus  de limitations  que
celles établies  dans la  loi des Contrats  et Acquisitions  de l'État
(T.U.O. par Décret Suprême No. 012-2001-PCM). 

Le  projet   n'introduit  aucune  discrimination,   puisqu'il  établit
uniquement *comment*  ces biens doivent  être fournis (ce qui  est une
prérogative  d'État) et  non *qui*  doit  les fournir  (ce qui  serait
effectivement discriminatoire si  les restrictions étaient fondées sur
l'origine nationale,  raciale, religieuse, idéologique,  la préférence
sexuelle,   etc.)    Au   contraire,   le    projet   est   résolument
anti-discriminatoire. Il  en est  ainsi parce qu'en  déterminant, sans
l'ombre  d'un  doute  possible,   les  conditions  de  sélection  d'un
logiciel, il évite aux  organismes de l'État d'utiliser des programmes
dont la licence inclurait des conditions discriminatoires. 

Il résulte de ce qui a été exposé dans les paragraphes précédents, que
le projet n'attente pas à la libre initiative privée, puisque celle-ci
peut  choisir  sous quelles  conditions  elle  produit  un logiciel  ;
certaines d'entre elles seront acceptables pour l'État, et d'autres ne
le seront  pas parce qu'elles  contrediront la garantie  des principes
fondamentaux énumérés plus haut. Cette libre initiative est compatible
avec  la liberté  d'entreprendre et  la liberté  de contrat  (dans les
limites où l'État peut exercer  cette dernière). Tout sujet privé peut
produire du logiciel selon les conditions requises par l'État, ou peut
s'abstenir de  le faire. Personne  n'est forcé d'adopter un  modèle de
production, mais si quelqu'un désire  fournir du logiciel à l'État, il
lui faudra mettre en  oeuvre des mécanismes garantissant les principes
qui sont décrits dans le projet. 

En guise d'exemple  : rien dans le texte du  projet n'interdit à votre
société d'offrir aux organismes de l'État sa "suite" bureautique, dans
les conditions définies  dans le projet et à un  prix que vous jugerez
convenable.  Si vous  ne le  faites pas,  cela ne  sera pas  dû  à des
restrictions  imposées par  la  loi,  mais à  des  décisions de  votre
société tenant  compte du mode  de commercialisation de  ses produits,
décisions auxquelles l'État ne participe pas. 

En  poursuivant,  vous  signalez  que  : "2.  Le  projet,  en  rendant
obligatoire  l'emploi de logiciel  à code  source ouvert,  établira un
traitement discriminatoire et non  compétitif pour les contrats et les
acquisitions des organismes publics..." 

Cette affirmation est une réitération  de la précédente, la réponse se
trouve quelques lignes plus  haut. Cependant, arrêtons nous un instant
sur votre appréciation concernant le "traitement ... non compétitif." 

A l'évidence,  au moment de définir un  quelconque type d'acquisition,
l'acheteur se fixe  des conditions liées à l'usage  prévu pour le bien
ou  le service.  A partir  de là,  il exclut  certains  fabricants qui
n'auront pas la  possibilité de rivaliser, sans pour  autant les avoir
exclus "a priori",  mais sur la base d'une  série de principes décidés
par  la volonté  autonome  de  l'acheteur, si  bien  que le  processus
s'avère finalement conforme à la loi. Et dans le projet il est établit
que  *personne*, n'est  exclu de  la  compétition pour  autant que  la
garantie des principes fondamentaux est satisfaite. 

De  plus le  projet *stimule*  la compétition,  du moins  il  pousse à
générer  une offre  de  logiciel présentant  de meilleures  conditions
d'utilisation,  et à  optimiser les  travaux déjà  accomplis,  dans un
modèle de progrès continu. 

D'un   autre  côté,   l'aspect   central  de   la  compétitivité   est
l'opportunité de  proposer de  meilleures options au  consommateur. Il
est impossible d'ignorer  que le marketing ne joue  pas un rôle neutre
au moment de la présentation  d'une offre au marché (du moins admettre
le contraire  reviendrait à dire que les  investissements réalisés par
les entreprises  en matière de  marketing sont dépourvus de  sens), et
par  conséquent  une  dépense   significative  dans  ce  domaine  peut
influencer les  décisions de l'acheteur. Cette  influence du marketing
est dans  une large mesure réduite  par le projet  que nous soutenons,
puisque  le  choix proposé  dans  le marché  se  base  sur le  *mérite
technique*  du  produit  et   sur  l'effort  de  commercialisation  du
producteur ;  en ce sens, la  compétitivité est accentuée,  et même le
plus petit producteur de logiciel peut rivaliser sur un pied d'égalité
avec la plus puissante des entreprises. 

Il  est nécessaire  de  souligner qu'il  n'y  a pas  de position  plus
anti-compétitive  que   celle  des  grands   producteurs  de  logiciel
propriétaire,  qui fréquemment,  abusent de  leur  position dominante,
parce que dans d'innombrables  cas ils proposent comme unique solution
aux  problèmes soulevés  par les  utilisateurs  : "mettez  à jour  vos
logiciels  vers la  nouvelle version"  (à la  charge  de l'utilisateur
évidemment)  ;  de plus,  les  interruptions arbitraires  d'assistance
technique sur  des produits, jugés "anciens" par  le fournisseur, sont
communes ;  ensuite pour obtenir une  quelconque assistance technique,
l'utilisateur est  contraint de migrer  (avec un coût non  trivial, en
particulier   lorsque  la  migration   implique  des   changements  de
plate-forme  matérielle) vers  de nouvelles  versions. Et  comme toute
l'infrastructure   est   consolidée  par   des   formats  de   données
propriétaires,  l'utilisateur  reste   "captif"  de  la  nécessité  de
continuer  à employer  les produits  du même  fournisseur, à  moins de
consentir  un  énorme effort  pour  passer  à  un autre  environnement
(probablement tout aussi propriétaire). 

Vous ajoutez : "3. Ainsi, en obligeant l'État à favoriser un modèle de
commerce  qui s'appuie  exclusivement sur  le logiciel  à  code source
ouvert, le projet  ne fera que décourager les  sociétés de fabrication
locales  et   internationales  qui  sont  celles   qui  réalisent  les
véritables  investissements, créent  un nombre  significatif d'emplois
directs et indirects  et contribuent au PIB contrairement  à un modèle
de logiciel à code source ouvert qui tend à avoir un impact économique
toujours  moindre du  fait qu'il  crée principalement  des  emplois de
service." 

Je ne suis  pas d'accord avec ce que vous affirmez.  En partie à cause
de ce  que vous-même  signalez dans le  paragraphe 6 de  votre lettre,
concernant  le  poids  relatif   des  services  dans  le  contexte  de
l'utilisation  du   logiciel.  Cette  contradiction,   par  elle-même,
invalide votre position.  Le modèle des services, adopté  par un grand
nombre  d'entreprises  de  l'industrie  informatique,  est  bien  plus
significatif, en  termes économiques, et  de façon croissante,  que le
commerce de licences sur les programmes. 

D'un autre  côté, le secteur privé  dispose de la  plus grande liberté
pour  choisir  le  modèle  économique  qui convient  le  mieux  à  ses
intérêts,  même si  cette liberté  de choix  est souvent  obscurcie de
manière subliminale  par les investissements  disproportionnés dans le
marketing des producteurs de logiciel propriétaire. 

De plus,  à la lecture  de votre opinion  il ressort que le  marché de
l'État  est  crucial et  indispensable  pour  l'industrie du  logiciel
propriétaire,  à  tel  point  que  si  l'État  adopte  ce  projet,  il
éliminerait complètement ces sociétés  du marché. En supposant, ce qui
n'est  pas le  cas, que  ce soit  vrai, nous  en déduisons  que l'État
subventionne   l'industrie  du   logiciel  propriétaire.   Dans  cette
hypothèse peu  probable, l'État aurait alors le  droit d'attribuer ses
subventions  au domaine  qu'il considère  comme ayant  la  plus grande
valeur sociale il en résulterait que si l'État décide de subventionner
le logiciel  il devra le  faire en préférant  le libre par  rapport au
propriétaire, compte  tenu de son  effet social et de  son utilisation
rationnelle de l'argent des contribuables. 

Concernant les  emplois générés par le logiciel  propriétaire dans des
pays  comme le  nôtre, ceux-ci  concernent majoritairement  des tâches
techniques de faible valeur ajoutée ; au niveau local, les techniciens
qui  offrent  du support  au  logiciel  propriétaire  produit par  des
entreprises transnationales ne sont pas  en mesure de corriger un bug,
pas  nécessairement faute  de capacité  technique ou  de  talent, mais
parce qu'ils ne  disposent pas du code source.  Le logiciel libre crée
des emplois techniquement plus qualifiés et on génère un cadre pour la
libre  concurrence où  le  succès  n'est limité  que  par la  capacité
d'offrir  du bon support  technique et  de la  qualité de  service, on
stimule  le  marché  et  on   enrichit  le  patrimoine  commun  de  la
connaissance, en ouvrant des alternatives pour générer des services de
grande valeur  ajoutée et  de meilleur profil  de qualité  profitant à
tous  les   acteurs  :   producteurs,  prestataires  de   services  et
consommateurs. 

C'est un phénomène courant dans  les pays en voie de développement que
les industries locales  de logiciel tirent la majeure  partie de leurs
revenus des  services ou de la  fabrication de logiciel  "ad hoc". Par
conséquent,  l'éventuel  impact négatif  que  l'application du  projet
pourrait avoir dans  ce secteur sera compensé par  la croissance de la
demande  de services  (à condition  que ceux-ci  soient  conformes aux
exigences de qualité). Évidemment, il est probable que les entreprises
transnationales de logiciel décidant  de ne pas concourir conformément
à ces  règles du jeu,  souffrent d'une perte  de revenus en  termes de
facturation de  licences ; néanmoins, considérant  que ces entreprises
soutiennent  que beaucoup  de logiciels  utilisés par  l'État  ont été
copiés  illégalement, on  peut penser  que l'impact  ne sera  pas très
sérieux. Certainement, en tout cas, leur succès sera déterminé par les
lois  du marché  dont  les changements  ne  peuvent être  évités ;  de
nombreuses   entreprises  traditionnellement  associées   au  logiciel
propriétaire  ont  déjà  franchi  le pas  (au  prix  d'investissements
importants) pour  offrir des services  associés au logiciel  libre, ce
qui démontre que les modèles ne sont pas mutuellement exclusifs. 

Avec  ce   projet  l'État   décide  de  préserver   certaines  valeurs
fondamentales. Et il le décide sur la base de ses pouvoirs souverains,
sans affecter  par là aucune des garanties  constitutionnelles. Si ces
valeurs  peuvent  être  garanties  sans  avoir  à  choisir  un  modèle
économique  donné,  les  effets  de  la  loi  seront  plus  bénéfiques
encore. En tout  cas, il doit rester clair que  l'État n'opte pas pour
un modèle économique ; s'il s'avérait qu'il n'existe qu'un seul modèle
économique capable  de fournir du logiciel qui  satisfasse la garantie
de base de ces principes, cela relèverait de circonstances historiques
et non d'une décision arbitraire en faveur d'un modèle donné. 

Poursuivant votre lettre  : "4. Le projet de  loi impose l'utilisation
de logiciel à code source  ouvert sans considérer les dangers que ceci
peut entraîner d'un point de vue de la sécurité, de la garantie et des
possibles violations des droits de propriété intellectuelle de tiers." 

Faire  allusion  de  façon   abstraite  aux  "dangers  que  ceci  peut
entraîner", sans  spécifier un seul  exemple de ces  supposés dangers,
dénote une  méconnaissance du sujet.  Aussi, permettez-moi d'illustrer
quelques-uns de ces points. 

Concernant la sécurité :

La  sécurité   nationale  a  déjà  été  évoquée   dans  les  principes
fondamentaux du  projet. En termes plus précis  concernant la sécurité
du logiciel lui-même, il est  bien connu que le logiciel (propriétaire
ou libre) contient  des erreurs de programmation ou  "bugs" (en jargon
informatique) dans  ses lignes de code.  De même, il  est de notoriété
publique que les  bugs dans le logiciel libre  sont moins nombreux, et
qu'ils  sont  réparés  bien  plus  rapidement, que  dans  le  logiciel
propriétaire. Ce n'est pas en  vain que de nombreux organismes publics
responsables de  la sécurité informatique  des systèmes d'institutions
de  l'État  dans les  pays  développés  recommandent l'utilisation  de
logiciel   libre   dans  des   conditions   égales   de  sécurité   et
d'efficacité. 

Il est impossible de prouver que le logiciel propriétaire est plus sûr
que le  libre, sauf par un  examen détaillé, public et  ouvert, par la
communauté  scientifique et  les  utilisateurs en  général. Or,  cette
démonstration  est impossible  parce que  le modèle  même  du logiciel
propriétaire  interdit  cette analyse,  si  bien  que  la garantie  de
sécurité  se  base  sur  la  parole  ambiguë  (mais  vraisemblablement
partiale) du producteur du logiciel ou de ses contractants. 

Il faut  se souvenir que, dans  de nombreux cas, les  conditions de la
licence incluent des clauses de confidentialité  [NdT : « NDA » ou non
disclosure  agreement]  qui interdisent  aux  utilisateurs de  révéler
ouvertement  les  failles  de  sécurité découvertes  dans  le  produit
propriétaire sous licence. 

Respect de la garantie :

Comme vous le savez parfaitement, ou pourrez le découvrir en lisant le
"Contrat  de  Licence  pour  l'Utilisateur  Final" [NdT  :  EULA]  des
produits  dont vous  commercialisez  la licence,  dans  la très  large
majorité  des cas,  les  garanties sont  limitées  au remplacement  du
support de distribution  s'il est défectueux, mais en  aucun cas elles
ne prévoient de compensations  pour les dommages directs ou indirects,
manque à gagner, etc. si suite à un bug de sécurité dans un quelconque
de  vos  produits, non  réparé  par  vous,  un attaquant  parvenait  à
compromettre  des systèmes  cruciaux  pour les  services  de l'État  :
quelle   garantie,  quelles   réparations  ou   quelles  compensations
donneraient  votre société  en  accord avec  les  conditions de  votre
licence ? Les garanties du logiciel propriétaire, comme les programmes
sont livrés ``AS  IS'' [NdT : tel quel], ce qui  veut dire dans l'état
dans lequel ils se  trouvent, sans aucune responsabilité additionnelle
pour  le  fournisseur   concernant  sa  fonctionnalité,  ne  diffèrent
aucunement de celles habituelles dans le logiciel libre. 

Sur la propriété intellectuelle :

Les  questions de propriété  intellectuelle dépassent  le cadre  de ce
projet,  et elles  sont couvertes  par d'autres  lois  spécifiques. Le
modèle du logiciel libre n'implique en aucune façon l'ignorance de ces
lois et en fait, la grande majorité du logiciel libre est couverte par
le copyright. En réalité, la seule présence de cette question dans vos
observations démontre votre  confusion quant au cadre légal  où vit le
logiciel  libre.   L'incorporation  de  la   propriété  intellectuelle
d'autrui dans des  travaux que l'on s'attribue par  la suite n'est pas
une  pratique  courante  de  la  communauté du  logiciel  libre  ;  en
revanche,  c'est malheureusement  le cas  sur le  terrain  du logiciel
propriétaire. Prenez comme exemple  la condamnation par le Tribunal de
Commerce  de Nanterre,  France,  le 27  septembre  2001, de  Microsoft
Corp., à 3 millions de  francs en dommages et intérêts, pour violation
de  la  propriété intellectuelle  (piratage,  pour  utiliser le  terme
malheureux que votre société utilise couramment dans ses publicités). 

Vous  poursuivez en  disant que  : "5.  Le projet  utilise  de manière
erronée les concepts  du logiciel à code source  ouvert, qui n'est pas
nécessairement du  logiciel libre  ou de coût  nul, aboutissant  à des
conclusions équivoques sur les économies pour l'État, sans une analyse
des coûts et bénéfices pour étayer votre position." 

Cette remarque est fausse, en  principe la gratuité et la liberté sont
des concepts orthogonaux : il  y a du logiciel propriétaire et onéreux
(par  exemple, MS  Office), du  logiciel propriétaire  et  gratuit (MS
Internet  Explorer),  du  logiciel  libre  et  onéreux  (distributions
RedHat, SuSE, etc. du système GNU/Linux), du logiciel libre et gratuit
(Apache,  OpenOffice,  Mozilla),   et  du  logiciel  sous  différentes
modalités de licence (MySQL). 

Il  est  certain  que  le  logiciel  libre  n'est  pas  nécessairement
gratuit. Et le texte du projet ne dit pas qu'il doit l'être comme vous
l'aurez bien noté  après l'avoir lu. Les définitions  incluses dans le
projet déterminent clairement  *quoi* considérer comme logiciel libre,
sans  jamais faire  référence  à  la gratuité.  Bien  qu'il soit  fait
mention des économies réalisées  en terme de non-paiement des licences
de  logiciel  propriétaire,   les  fondements  du  projet  mentionnent
clairement les garanties fondamentales  qui doivent être préservées et
la  stimulation du  développement technologique  local.  Sachant qu'un
État démocratique doit respecter ces principes, il ne lui reste aucune
autre  solution que  d'employer du  logiciel dont  le code  source est
publiquement disponible et d'échanger de l'information uniquement dans
des formats standards. 

Si l'État n'employait pas de logiciel présentant ces caractéristiques,
il violerait  les principes républicains fondamentaux.  Par chance, le
logiciel libre  implique en plus  un coût global moindre  ; néanmoins,
dans l'hypothèse (aisément  réfutée) où il coûterait plus  cher que le
logiciel propriétaire,  la seule  existence d'un outil  logiciel libre
efficace pour une fonction informatique déterminée obligerait l'État à
l'utiliser  ;  non par  force  de  ce projet  de  Loi,  mais pour  les
principes élémentaires que nous avons énumérés au début et qui émanent
de l'essence même de l'État de droit démocratique. 

Vous poursuivez  : "6. Il  est faux de  penser que le logiciel  à code
source  ouvert est  gratuit. Des  études du  Gartner  Group (organisme
étudiant le marché technologique reconnu au niveau mondial) ont révélé
que  le  coût d'acquisition  du  logiciel  (système d'exploitation  et
applications) ne représente  que 8% du coût total  que les entreprises
et les  institutions doivent assumer pour  une utilisation rationnelle
et  réellement  bénéfique  de  la  technologie. Les  autres  92%  sont
constitués des  coûts d'installation,  de déploiement, de  support, de
maintenance, d'administration et d'indisponibilité." 

Cet argument répète  celui déjà donné au paragraphe  5 et contredit en
partie le paragraphe  3. Aussi nous nous en  remettrons aux précédents
commentaires  à des  fins  de brièveté.  Nonobstant, permettez-moi  de
signaler que votre  conclusion est fausse d'un point  de vue logique :
que le coût  du logiciel selon le  Gartner Group ne soit que  de 8% du
coût total  d'utilisation, n'invalide d'aucune  manière l'existence de
logiciel gratuit, c'est-à-dire, dont le coût de la licence est zéro. 

De  plus dans  ce  paragraphe  vous indiquez  fort  justement que  les
composants de  service et les pertes pour  indisponibilité forment une
partie substantielle du coût total d'utilisation du logiciel ; ce qui,
vous le noterez,  entre en contradiction avec votre  affirmation de la
valeur mineure des services suggérée dans le paragraphe 3. En réalité,
l'utilisation  de  logiciel  libre  contribue significativement  à  la
diminution  des coûts  restants du  cycle  de vie  du logiciel.  Cette
réduction  de  l'impact  économique  de  l'installation,  du  support,
etc.  se  note  dans de  nombreux  domaines  ;  d'un côté,  le  modèle
compétitif de services autour du  logiciel libre, dont il est possible
d'acheter le support  et la maintenance auprès d'une  offre variée qui
rivalise  sur   le  rapport   qualité/prix.  Ceci  est   valable  pour
l'installation,  le déploiement, et  le support,  et en  grande partie
pour   la  maintenance.   En  second   lieu,  la   caractéristique  de
reproductibilité du modèle fait  que la maintenance effectuée pour une
application  est  facilement réutilisable,  sans  impliquer des  coûts
importants  (c'est-à-dire, sans  payer plus  d'une fois  pour  la même
chose)  car  les  modifications,  si  on  le  souhaite,  peuvent  être
incorporées  au patrimoine commun  de la  connaissance. Troisièmement,
l'énorme  coût  d'indisponibilité ("écrans  bleus  de  la mort",  code
mal-intentionné tel que  les virus, les vers et  les chevaux de Troie,
exceptions,  fautes générales  de protection  et nombre  d'autres maux
connus)  est considérablement  réduit  par l'emploi  de logiciel  plus
stable ; et il est bien  connu qu'une des vertus les plus remarquables
du logiciel libre est sa stabilité. 

Vous  affirmez plus  loin que  : "7.  L'un des  arguments  derrière le
projet  de loi est  la prétendue  gratuité du  logiciel à  code source
ouvert,  comparée au coût  du logiciel  commercial, sans  tenir compte
qu'il existe des modalités de  licence en volume qui peuvent être très
avantageuses pour l'État, comme cela se fait dans d'autres pays." 

J'ai déjà  indiqué que  ce qui est  en question  n'est pas le  coût du
logiciel, mais les principes de liberté d'information, d'accessibilité
et  de sécurité.  Ces arguments  ont  été largement  traités dans  les
paragraphes précédents, auxquels je vous prie de vous référer. 

D'autre  part, il  existe  certainement des  modalités  de licence  en
volume (malheureusement, le logiciel propriétaire ne satisfait pas les
principes de  base). Mais, comme  vous l'avez noté dans  le paragraphe
immédiatement antérieur de votre lettre, cela ne permet que de réduire
l'impact d'un composant qui ne pèse pas plus de 8% du coût total. 

Vous poursuivez  : "8. De  plus, l'alternative adoptée pour  le projet
(i)  est clairement  plus  coûteuse du  fait  des coûts  élevés de  la
migration  logicielle, et  (ii) met  en péril  la compatibilité  et la
possibilité d'interopérabilité des plates-formes informatiques au sein
de  l'État, et  entre  l'État et  le  secteur privé,  compte tenu  des
centaines de versions de logiciel à code source ouvert sur le marché." 

Analysons  votre affirmation  en  deux parties.  Le premier  argument,
celui de  la migration qui implique  des coûts élevés, est  en fait un
argument en faveur du projet. En effet, plus le temps passe et plus la
migration vers une  autre technologie sera onéreuse ;  et dans le même
temps,  les  risques de  sécurité  associés  au logiciel  propriétaire
augmenteront aussi. De cette  manière, l'utilisation de systèmes et de
formats  propriétaires   rendra  l'État  encore   plus  dépendant  des
fournisseurs.   Au   contraire  une   fois   implantée  la   politique
d'utilisation du logiciel libre (implantation qui, certes, a un coût),
la migration  d'un système vers  un autre se fait  facilement, puisque
toutes  les données sont  stockées dans  des formats  ouverts. D'autre
part, la migration vers un environnement de logiciel ouvert n'implique
pas plus  de coûts  que celle entre  deux environnements  distincts de
logiciel propriétaire, ce qui invalide complètement votre argument. 

Le second  argument se réfère à  "l'interopérabilité des plates-formes
informatiques  au  sein de  l'État,  et  entre  l'État et  le  secteur
privé".  Cette affirmation  démontre une  ignorance des  mécanismes de
fabrication du  logiciel libre, qui  ne maximise pas la  dépendance de
l'utilisateur  par  rapport  à  une plate-forme  donnée,  comme  c'est
habituellement le  cas dans le domaine du  logiciel propriétaire. Même
lorsqu'il  existe  plusieurs  distributions  d'un  logiciel  libre  et
plusieurs  programmes  susceptibles  d'être  employés  pour  une  même
fonction,  l'interopérabilité reste  garantie autant  par  l'emploi de
formats standards,  exigé dans  le projet, que  par la  possibilité de
créer un logiciel interopérable à partir du code source disponible. 

Vous dites  plus loin que : "9.  La majeure partie du  logiciel à code
source ouvert n'offre pas de niveaux de service adéquats, pas plus que
de  garantie   de  fabricants  reconnus  pour   favoriser  une  grande
productivité de la part des utilisateurs, ce qui a conduit différentes
organisations  publiques à  revenir  sur leur  décision d'utiliser  du
logiciel à code source ouvert  et à utiliser du logiciel commercial en
lieu et place." 

Cette observation n'est pas fondée.  Compte tenu de la garantie, votre
argument est  réfuté par  la réponse au  paragraphe 4.  Concernant les
services de support, il est possible d'utiliser du logiciel libre sans
eux (de la même manière  qu'on le fait avec du logiciel propriétaire),
mais quiconque le souhaite peut obtenir du support séparément, soit de
la part d'une entreprise  locale, soit de sociétés internationales, de
la même manière que pour le logiciel propriétaire. 

D'autre  part, vous  contribueriez beaucoup  à notre  analyse  si vous
pouviez  nous  donner  des  informations  concernant  les  projets  de
logiciel libre *implantés*  dans des entités publiques et  qui ont été
abandonnés en faveur de logiciel propriétaire. Nous connaissons un bon
de  nombre  de  cas  où  l'inverse s'est  produit,  mais  n'avons  pas
d'information au sujet des cas auxquels vous faites référence. 

Vous  continuez  en  observant  que  : "10.  Le  projet  décourage  la
créativité  de l'industrie péruvienne  du logiciel,  qui a  un chiffre
d'affaires  de  40 millions  de  dollars US  par  an,  exporte pour  4
millions de  dollars US  (10e au rang  des produits  d'exportation non
traditionnels,  plus  que l'artisanat)  et  est  une source  d'emplois
hautement  qualifiés.  Avec une  loi  qui  incite  à l'utilisation  du
logiciel à  code source ouvert,  les programmeurs de  logiciel perdent
leurs droits de propriété  intellectuelle et leur principale source de
revenus." 

Il est  assez clair  que personne n'est  obligé de  commercialiser son
code sous forme de logiciel libre.  La seule chose à prendre en compte
est que, si cela n'est pas fait, on ne pourra pas le vendre au secteur
public. Ce  n'est en  aucun cas le  principal marché  pour l'industrie
nationale du logiciel. Plus  haut nous avions abordé quelques-unes des
questions  relatives  à  l'influence   du  projet  sur  la  génération
d'emplois  techniques  hautement   qualifiés  et  dans  de  meilleures
conditions de  compétitivité, il n'est donc  pas nécessaire d'insister
sur ce point. 

Ce qui suit dans votre affirmation est erroné. D'un côté, aucun auteur
de logiciel  libre ne perd  ses droits de propriété  intellectuelle, à
moins  qu'il n'ait exprimé  sa volonté  de placer  son oeuvre  dans le
domaine  public.  Le  mouvement  du  logiciel  libre  a  toujours  été
extrêmement respectueux de la propriété intellectuelle, et a donné une
reconnaissance publique  très large à  ses auteurs. Des noms  tels que
ceux  de Richard  Stallman, Linus  Torvalds, Guido  van  Rossum, Larry
Wall,  Miguel  de  Icaza,  Andrew  Tridgell,  Theo  de  Raadt,  Andrea
Arcangeli, Bruce Perens, Darren Reed,  Alan Cox, Eric Raymond, et bien
d'autres,  sont  mondialement  reconnus  pour leurs  contributions  au
développement  de logiciel  aujourd'hui  utilisé par  des millions  de
personnes  partout dans  le  monde,  alors que  les  noms des  auteurs
d'excellents   composants  logiciels  propriétaires,   demeurent  dans
l'anonymat.  D'un  autre coté,  affirmer  que  les  revenus de  droits
d'auteur constituent la source  principale de revenus des programmeurs
péruviens  est pour  le  moins  risqué, en  particulier  quand on  n'a
apporté aucune preuve à cet  effet, ni aucune démonstration de comment
l'emploi de logiciel libre par l'État influencerait ces revenus. 

Vous poursuivez en disant que : "11. Le logiciel à code source ouvert,
puisqu'il peut  être distribué gratuitement, ne permet  pas de générer
des revenus  pour ses développeurs  par le biais de  l'exportation. De
cette  manière, on affaiblit  la synergie  de la  vente de  logiciel à
d'autres  pays et  par conséquent  la croissance  de  cette industrie,
alors qu'au  contraire les  normes d'un gouvernement  doivent stimuler
l'industrie locale." 

Cette affirmation démontre une  fois de plus une méconnaissance totale
des mécanismes et  du marché du logiciel libre.  Elle tente d'affirmer
que  le marché  de cession  des droits  non exclusifs  d'utilisation à
titre onéreux (vente de licence) est le seul possible pour l'industrie
informatique alors que, comme vous l'avez signalé quelques paragraphes
plus haut, il  n'est en aucun cas le  plus important. Les incitations,
émanant de ce projet, à une meilleure offre de personnels qualifiés et
à une  expérience du logiciel  libre à grande échelle  permettront aux
techniciens nationaux de se placer  à un niveau très compétitif sur le
marché du travail international. 

Vous  signalez plus loin  que :  "12. Dans  le Forum  on a  discuté de
l'importance  de  l'emploi  de  logiciel  à code  source  ouvert  dans
l'éducation,  sans commentaire  sur  le retentissant  fracas de  cette
initiative  dans  un  pays   comme  le  Mexique,  où  précisément  les
fonctionnaires   de  l'État   qui  fondèrent   le   projet,  déclarent
aujourd'hui  que  le logiciel  à  code  source  ouvert ne  permet  pas
d'offrir une expérience d'apprentissage aux écoliers, qu'il n'a pas eu
la  capacité au  niveau  national  de fournir  du  support pour  cette
plate-forme,  et qu'il  n'a pas  pris  en compte  l'intégration de  la
plate-forme existante dans les écoles." 

Effectivement, le  Mexique a  fait marche arrière  avec le  projet Red
Escolar.  Cela est  dû, précisément  au  fait que  les initiateurs  du
projet  mexicain  utilisèrent le  coût  des  licences comme  principal
argument, au  lieu des autres  raisons stipulées dans notre  projet et
qui sont plus fondamentales. Compte tenu de cette erreur conceptuelle,
aggravée par l'absence d'appui effectif de la part du SEP (Secrétariat
à l'Education Publique), ils décidèrent que l'implantation de logiciel
libre dans les écoles consistait  à suspendre le budget logiciel et en
échange à leur  envoyer un CD ROM contenant  GNU/Linux. Bien sûr, ceci
échoua et  il ne  pouvait en être  autrement, de même  qu'échouent les
laboratoires scolaires qui  utilisent des logiciels propriétaires sans
disposer  d'un budget  pour  l'installation et  la maintenance.  C'est
précisément  pour cela  que notre  projet de  loi ne  se limite  pas à
recommander l'emploi de logiciel libre, mais reconnaît la nécessité et
ordonne la création d'un plan  de migration viable, dans lequel l'État
encadre  précisément  la  transition  technique  pour  bénéficier  des
avantages du logiciel libre. 

Vous terminez par une question rhétorique : "13. Si le logiciel à code
source  ouvert satisfait  tous les  pré-requis des  entités  de l'État
pourquoi une loi pour l'adopter ? Ne devrait-ce pas être le marché qui
décide  librement quels  sont  les  produits qui  donnent  le plus  de
bénéfices ou de valeur ?". 

Nous sommes d'accord  sur le fait que pour le  secteur privé, c'est le
marché  qui doit décider  quel produit  utiliser et  il ne  serait pas
admissible  que l'État  interfère.  Mais dans  le  secteur public,  le
raisonnement n'est pas  le même : comme nous  l'avons déjà dit, l'État
collecte,  manipule   et  transforme  de  l'information   qui  ne  lui
appartient pas, mais  qui lui a été confiée par  les citoyens qui, par
force de loi, n'ont pas d'autre choix que de le faire. En contrepartie
de cette obligation  légale, l'État doit mettre en  oeuvre des mesures
extrêmes   pour  sauvegarder   l'intégrité,   la  confidentialité   et
l'accessibilité de ces informations. L'emploi de logiciel propriétaire
soulève de  sérieux doutes quant à l'accomplissement  de ces missions,
faute d'évidence  concluante à ce  propos, et par conséquent  il n'est
pas apte à être utilisé dans le secteur public. 

La nécessité d'une  loi se fonde d'un côté  sur la matérialisation des
principes fondamentaux énoncés plus haut dans le domaine spécifique du
logiciel ;  d'un autre côté, il est  un fait que l'État  n'est pas une
entité idéale homogène mais  qu'il est composé de multiples organismes
avec  différents  degrés  d'autonomie  de décision.  Étant  donné  que
l'emploi de  logiciel propriétaire est inapproprié,  le fait d'établir
ces règles  dans la loi  évitera que la décision  discrétionnaire d'un
quelconque fonctionnaire  mette en péril  l'information qui appartient
aux citoyens.  Et, par-dessus  tout, elle constitue  une réaffirmation
actualisée par rapport aux moyens de traitement et de communication de
l'information employés aujourd'hui, du principe républicain du service
public. 

Conformément à  ce principe universellement  accepté, le citoyen  a le
droit de connaître toute l'information  en possession de l'État qui ne
soit pas couverte par une déclaration  de secret conforme à la loi. Le
logiciel   traite   de   l'information   et   il   est   lui-même   de
l'information. Information dans  un format spécial, susceptible d'être
interprété  par  une machine  pour  exécuter  des  actions, mais  sans
l'ombre d'un  doute information cruciale parce que  le citoyen dispose
d'un droit  légitime de savoir,  par exemple, comment  se comptabilise
son vote  ou se calculent  ses impôts. Et  pour cela, il  faut pouvoir
accéder librement  au code source et éprouver  les programmes utilisés
pour le comptage électoral ou le calcul des impôts. 

Je  vous salue  avec l'expression  de ma  considération  la meilleure,
soyez assuré  que mon  bureau sera toujours  ouvert à l'exposé  de vos
points  de  vue,  à  quelque   niveau  de  détail  que  vous  jugeriez
convenable. 

Veuillez agréer mes salutations distinguées,

DR. EDGAR DAVID VILLANUEVA NUÑEZ
Membre du Congrès de la République du Pérou. 

Traduction et adaptation : Guy Brand <guybrand @ chimie.u-strasbg.fr>
Relectures et corrections : Cyril Chaboisseau, Georges Khaznadar,
Yves Ouvrard, Alain Riffart, Stéphane Casset. 
$Id: rescon-fr.html,v 1.19 2002/05/14 07:41:26 bug Exp bug $


-- 
-- 	  	     Alexandre Dulaunoy (adulau) -- http://www.foo.be/
-- 	    http://pgp.ael.be:11371/pks/lookup?op=get&search=0x44E6CBC
-- 	   "Knowledge can create problems, it is not through ignorance
-- 				  that we can solve them" Isaac Asimov








Plus d'informations sur la liste de diffusion Linux-bruxelles